Il est de coutume pour un couple marié d’ouvrir auprès d’un établissement bancaire un compte joint. Un compte est joint lorsqu’il y a une pluralité de titulaires, en l’occurrence les époux. Ils sont considérés comme parties à la convention de compte de dépôt
La gestion d’un compte joint nécessite une confiance réciproque puisque chacun des co-titulaires peut déposer et retirer les sommes existantes sur ledit compte. Le problème étant que ce n’est pas forcément des époux qui sont co-titulaires d’un compte joint.
L’intérêt d’un compte joint c’est de faire des co-titulaires du compte des créanciers solidaires à l’égard de la banque. Lorsque le compte est créditeur, on parle de solidarité active (1197 et suivants du code civil).
À l’inverse, pour la solidarité passive, elle n’est existante que dans les rapports entre le banquier et les co-titulaires. Ils sont solidairement tenus de rembourser tout solde débiteur. A l’égard des tiers, si un co-titulaire émet un chèque sans provision alors le porteur du chèque ne peut se retourner contre les autres co-titulaires.
Attention : la solidarité ne se présume pas. Elle doit être expressément prévue dans la convention ouvrant le compte joint.
Les rapports entre les co-titulaires du compte sont définis par la convention qu’ils ont établi lors de l’ouverture du compte. À défaut d’une telle convention ils sont réputés égaux. Ainsi, celui qui effectue des opérations sera tenu de rendre compte aux co-titulaires du compte.
La particularité du compte joint est que chacun des co-titulaires peut faire fonctionner le compte par sa seule signature et a donc une autonomie de gestion. Mais il se peut qu’en pratique les co-titulaires ne soient pas d’accord sur les actes de gestion. Dès lors la banque ne peut pas prendre parti, elle effectuera les ordres donnés par les co-titulaires donnés de manière chronologique.
Le principe est que toute somme déposée sur un compte joint est réputée appartenir aux co-titulaire pour moitié s’ils sont deux, par exemple. Il est possible de faire tomber cette présomption en cas d’individualisation des sommes, c’est-à-dire lorsqu’il est prouvé que telle somme appartient et provient exclusivement du patrimoine d’un seul des co-titulaires.
Partant de ce principe en cas de décès de l’un des titulaires du compte c’est la moitié des sommes présentes sur le compte qui entrera dans la succession du titulaire décédé.
Il se peut qu’un des co-titulaires du compte décide de mettre un terme à la solidarité active. Il dénonce le compte et la provision du compte est bloquée. La forme de la dénonciation est souvent prévue dans la convention d’ouverture du compte joint. Lorsqu’un des co-titulaires dénonce le compte joint, il doit être vigilant et préciser sa volonté. Il doit soit mettre un terme à la solidarité et donc mettre le compte en indivision, soit clôturer le compte, percevoir ses droits et donc le transformer en compte personnel à l’un des co-titulaires.
Il peut également être prévu dans la convention du compte joint qu’un des titulaires peut demander la fermeture du compte joint et demander la conversion dudit compte en un compte personnel, voire en percevoir le solde après fermeture du compte. Le banquier doit se soumettre à cette demande immédiatement. Il est ainsi primordial d’être vigilant et attentif quant au contenu de la convention de compte joint.
En cas de décès d’un des co-titulaires, le compte joint n’est pas automatiquement clôturé et bloqué. En effet tant que la banque n’est pas avertie du décès, comme chacun des co-titulaires peut gérer librement le compte, le co-titulaire survivant peut librement en disposer, il est donc primordial d’informer dans les plus brefs délais la banque du décès.
D’autre part en l’absence d’opposition manifeste des héritiers du co-titulaire décédé, le compte peut librement être géré par le titulaire survivant, le compte lui devenant personnel. Dans ce cas la banque remet aux héritiers les relevés des opérations exécutées.
Pour bloquer le compte il faut que les héritiers du co-titulaire décédé demandent expressément le blocage du compte jusqu’au partage de la succession. Il faut une demande expresse formulée par lettre recommandée avec accusé de réception, où est demandé le blocage des comptes jusqu’au partage de la succession. Dans ce cas la banque remet aux héritiers un état descriptif des comptes au jour du décès.
En outre, en pratique, au moment où la banque a connaissance du décès :
En principe la moitié (s’il y a 2 co-titulaires) des sommes présentes sur le compte entrera dans la succession du co-titulaire décédé, sauf dispositions contraires dans la convention d’ouverture du compte (prévoyant une répartition inégale des sommes) ou dispositions contraires prévues dans le contrat de mariage.
En effet le droit des régimes matrimoniaux a une incidence particulière sur le sort du compte joint car il est possible que :
Il faut donc être attentif à la situation matrimoniale du co-titulaire décédé.
À savoir : en cas d’époux comme titulaires d’un compte joint il y a une présomption de pouvoir en vertu de l’article 221 code civil. De facto au décès de l’un, l’autre jouit du pouvoir de gérer les fonds déposés sur le compte. Même si la somme présente sur le compte est en indivision post communautaire, le conjoint survivant titulaire du compte peut gérer cette indivision.
Attention : il faut être vigilant, lorsqu’un compte joint est ouvert au nom du défunt et de son légataire universel, au redressement fiscal des droits de mutations à titre gratuit. Il ressort d’une jurisprudence (arrêt en date du 02 06 1992 Cour de Cassation relative au renversement de la présomption fiscale de propriété du solde d’un compte joint) que « justifie légalement sa décision le tribunal qui, pour valider le redressement des droits de mutation à titre gratuit opéré par l’administration fiscale sur le solde créditeur d’un compte bancaire ouvert conjointement aux noms du de cujus et de son légataire universel, constate que les sommes figurant sur le compte résultent exclusivement des dépôts effectués par le de cujus provenant de fonds lui appartenant en propre et relève que le légataire universel se borne à invoquer l’ouverture du compte aux deux noms de ses co-titulaires, constatations dont il résulte que l’administration des impôts a rapporté la preuve contraire à la présomption édictée à l’art. 753 CGI sans que le légataire ait apporté celle lui incombant dans les conditions prévues par ce texte ».
Pour éviter toute dilapidation des sommes présentes sur le compte joint, les héritiers ou leurs notaires, mandatés pour le règlement de la succession, doivent :
À savoir : il est fort logique que les héritiers doivent justifier de leur qualité d’héritier et du décès du co-titulaire du compte joint. Pour ce faire, ils doivent solliciter un acte de notoriété établi chez le notaire si les sommes présentes sur le compte dépassent 5335,72 euros. Dans le cas échéant un certificat d’hérédité établi par la Mairie est suffisant.
La banque ne commet en principe pas de faute si elle ne :
Au contraire même, la banque pourrait dans cette circonstance se voir reprocher le fait de s’immiscer dans les affaires de son client.
À défaut d’opposition des héritiers, la banque échappe même à toute responsabilité lorsqu’elle omet d’avertir ceux-ci de la clôture du compte joint par le titulaire survivant et ce en raison de l’absence de préjudice reconnu subi comme tel.
Les héritiers ne doivent donc pas demeurer passifs en présence d’un compte joint dont leur parent qui est décédé était l’un des co-titulaires. Il leur est conseillé d’agir au plus vite et de demander expressément de faire procéder aux formalités de blocage et/ou de clôture du compte joint.
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